Vol et retrouvailles de la Statue de la Vierge à l’Enfant – XIVe siècle

Vendredi 13 mars 2020, un mail de Richard Schuler, CAOA, m’avertit qu’une statue est mise en vente aux enchères par le commissaire-priseur Marc-Arthur Kohn, chez Drouot.

Or, cette statue ressemble étrangement à la statue de la Vierge à l’Enfant qui a été volée dans l’église de Saint-Martin-aux-Bois il y a plus de 60 ans !

La photo publiée est en effet très ressemblante, les traces de polychromie notamment laissent peu de doutes.

La vente doit avoir lieu le 24 mars.

C’est le Bureau de la Conservation du patrimoine mobilier et instrumental (182 rue Saint-Honoré), du Service du Patrimoine du Ministère de la Culture, qui a repéré la statue et a tout de suite lancé l’alerte : Judith Kagan, Cheffe du Bureau, prévient le CAOA mais en même temps un certain nombre de collègues pour qu’ils fassent les vérifications nécessaires ainsi que l’OCBC : Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels, qui dépend de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (Nanterre).

Les choses sont très rapides : Judith Kagan a repéré la statue le vendredi 13 mars et saisit l’OCBC le lundi 16 mars.

La vente du 24 mars n’a pas eu lieu, coronavirus oblige, mais a été reportée en mai. En fait elle n’aura lieu que le 18 juin.

Mais la preuve est faite qu’il s’agit bien de la statue volée à Saint-Martin-aux-Bois et la police demande qu’elle soit retirée de la vente.

Retour sur le vol, raconté notamment par la presse.

Le récit du vol est connu grâce aux articles parus dans le Progrès de l’Oise que m’a transmis Bernard Thiou :

Le vol aurait eu lieu en décembre 1959. Le journaliste s’est livré à une « enquête » dans le village pour essayer de déterminer comment le vol a pu avoir lieu : le voleur est-il passé par la sacristie, par une fenêtre, ou par la porte ? L’habitant de la maison au chevet de l’église avait un chien qui « aboie férocement », le visiteur aurait été entendu. En revanche, la ferme devant l’église reçoit tellement de visiteurs que les chiens ne disent rien (sauf la nuit).

Par ailleurs, pour visiter l’église, il fallait demander la clef à une vieille personne du village, qui a fait confiance au visiteur et l’a laissé pénétrer seul dans l’église.

Une autre source (M. Germain Loisel, ancien habitant de Saint-Martin-aux-Bois, ayant travaillé à la Caisse Nationale des Monuments historiques et des Sites) précise que ce visiteur était en soutane. On comprend que la gardienne ait eu confiance…

L’enquête a été menée par un inspecteur de la Sûreté nationale, l’inspecteur Becq ou Beck mais n’avait rien donné, la statue avait disparu, et n’était plus connue que par des photos.

Photos

  • Les Monuments historiques possèdent un cliché ancien de la statue (à gauche)
  • Le GEMOB avait publié un numéro spécial sur Saint-Martin-aux-Bois avec la liste des objets volés, et une photo de la Vierge à l’Enfant, qu’on voyait simplement posée sur l’accotoir devant un haut-dossier des stalles.(au centre)
  • Notre association en possède une belle photo qui nous avait été donnée il y a quelques années par une personne âgée du village. (à droite)

Mais si la statue a été retrouvée, il reste quelques questions non résolues :

Vierge à l'enfant de Saint-Martin-aux-Bois
  • La date du vol. Selon une coupure de presse, ce serait en décembre 1959. Selon Germain Loisel et le GEMOB ce serait en décembre 1960
  • L’auteur du vol. La vente devait être faite par le Commissaire-priseur Marc-Arthur Kohn, au-dessus de tout soupçon. Il tient une galerie Avenue Matignon, il est très connu dans le monde du marché de l’art. Il vendait cette statue déposée par la Galerie Steinitz, également une grande Galerie parisienne (rue Royale). Mise à prix : 25 000 à 40 000 €. Il est probable que le voleur a revendu la statue par un intermédiaire, et que cet ou ces intermédiaires ont réussi à faire un faux certificat ou à abuser les galeries d’art…

Retour à Saint-Martin-aux-Bois 

Il n’est pas sûr que la commune ait déposé une plainte à l’époque du vol, mais l’absence de plainte n’est pas préjudiciable : la statue était propriété de la commune, donc de l’État, et tous les biens de l’État sont inaliénables et imprescriptibles. Donc même 60 ans après, même sans dépôt de plainte, l’objet volé revient à la commune (s’il est retrouvé sur le sol français : la situation est différente pour un objet volé qui est retrouvé à l’étranger).

La statue reviendra donc de droit à la commune. Cette dernière peut la mettre en dépôt dans un musée, ce sera au Conseil municipal de choisir.

Sa place semble tout de même être l’église, quand les travaux actuels seront terminés, et quand un emplacement sécurisé aura été aménagé.

C’est une très belle statue du xive siècle, en albâtre selon la base Palissy du Ministère de la Culture ; il existe deux types d’albâtre, l’un dit gypseux, tendre, l’autre calcaire, appelé également marbre onyx : c’est une calcite dure, dont la caractéristique est d’être semi-transparente et rarement parfaitement blanche. En effet, en surface de la statue, on voit comme des « ondulations » de couleur jaune miel, tirant parfois sur le rouge sombre.

La statue mesure 80 cm de haut, 22 cm de large et 16 cm de profondeur. Elle est ornée de pierres, et porte des traces de polychromie : sa qualité témoigne du goût des chanoines de l’abbaye au xive siècle ainsi que de leur richesse, ou de celle du donateur. Nous n’avons (à l’heure actuelle) aucun renseignement sur l’origine de l’œuvre (donateur, artisan, etc.)

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