Une petite statue de la Vierge à l’Enfant, posée sur un socle accroché au mur (côté gauche) du chevet, peut être datée (d’après son style) des années 1360-1380. Elle est en pierre calcaire (et non en albâtre comme on le croyait, et comme l’indiquait la fiche du Ministère de la Culture dans sa base de données Palissy).
La Vierge porte l’Enfant sur le bras gauche, et, pour garder l’équilibre, reporte son poids sur sa jambe droite, montrant un léger déhanchement qu’a bien rendu le sculpteur. La robe, serrée à la taille par une simple lanière, est en partie cachée par le long voile drapé autour de la Vierge.
Le visage est fin, avec un front haut et dégagé (ce qui correspond à la mode féminine de la fin du XIVe siècle), mais quelques boucles de cheveux sortent du voile, sous la couronne qui repose sur le haut de la tête. Cette couronne, assez haute sur l’avant, porte encore quelques cabochons de pâte de verre de couleur.
L’Enfant, vêtu d’une courte robe à longues manches, tend les mains vers le sein gauche de sa mère, mais leurs regards ne se croisent pas. À quoi pense la Vierge ? Elle est douce, elle semble sereine, mais elle ne sourit pas vraiment, perdue dans ses pensées peut-être…
La statue porte des traces de polychromie, qui attestent de couleurs vives : la robe de la Vierge était rouge, sous un ample manteau bleu et un voile ocre bordé de vert, le diadème doré et les cabochons de couleurs diverses. Le vêtement de l’Enfant était aussi coloré, mais les couleurs sont plus difficiles à reconnaître.
L’origine de cette œuvre est inconnue : a-t-elle été réalisée pour l’église de Saint-Martin-aux-Bois ? Sa taille, relativement modeste (environ 80 cm) laisse penser qu’elle était peut-être destinée à un usage personnel, et non pas à prendre place dans une église (surtout un édifice de la taille de l’église abbatiale !). La fin du XIVe siècle voit en effet se développer une dévotion privée à l’égard de la sainte Vierge, et de nombreuses statues du même type, de taille modeste, sont réalisées pour des chapelles privées, des oratoires domestiques. Mais il est possible qu’elle ait été prévue pour un autel latéral, ou offerte à l’abbaye par un donateur, religieux ou laïc. Son origine géographique aussi bien que le nom du sculpteur restent à ce jour inconnus.
L’histoire récente de cette œuvre mérite d’être racontée…
Jusqu’à la fin de l’année 1959, elle était disposée dans le sanctuaire de l’église : certaines photos la montrent devant les hauts dossiers des stalles. Elle est volée en décembre 1959, dans des circonstances qui restent imprécises. C’est la presse de l’époque qui donne quelques informations : le vol aurait eu lieu de la façon la plus simple, un visiteur ayant demandé la clef de l’église à une personne âgée du village qui en avait la garde. Le visiteur étant en soutane, la dame lui a confié la clef et ne l’a pas accompagné dans sa visite ! La disparition de la statue n’a été constatée que quelques jours plus tard.
Une enquête, menée par la police, n’a donné aucun résultat.
Le vendredi 13 mars 2020, le Bureau de la Conservation du patrimoine mobilier et instrumental du Service du Patrimoine du Ministère de la Culture repère cette statue dans une vente aux enchères par un commissaire-priseur parisien. L’alerte est immédiatement donnée, car les services du ministère trouvent une très forte ressemblance entre l’objet à vendre et la statue disparue de Saint-Martin-aux-Bois. L’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OFCB, qui dépend de la Direction centrale de la Police judiciaire) intervient alors et demande que la statue soit retirée de la vente.
Les comparaisons avec les photos anciennes de la statue apportent la preuve qu’il s’agit bien de la statue volée en 1959. Or, la statue a été classée au titre des monuments historiques par arrêté du 11 avril1902 (Palissy PM 600001467) et est propriété de la commune : c’est un bien inaliénable, et même 60 ans après le vol, elle doit revenir à la commune. Cette dernière aurait pu choisir de confier la statue à un musée, mais a décidé que sa place était bien dans l’église du village.
Au moment où la statue a été retrouvée, l’église de Saint-Martin-aux-Bois bénéficiait d’un important chantier de restauration de son chevet, et c’est pourquoi la statue a d’abord trouvé un refuge au musée départemental de l’Oise, avant d’être nettoyée et restaurée, puis installée, de façon sécurisée dans le sanctuaire de l’église.